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En Amazonie, des solutions simples permettent de démocratiser l’intensification écologique de l’élevage

Un des défis actuels en Amazonie est d'intensifier cet élevage, ou plutôt de démocratiser son intensification : des technologies de pointe existent déjà, mais elles sont très sélectives et ne peuvent être mises en œuvre par la grande majorité des producteurs agricoles. Des technologies pointues, comme l’intégration agriculture – élevage – sylviculture sur une même parcelle, par exemple, sont capables d'atteindre des niveaux élevés de productivité et de rentabilité, mais sont financièrement risquées, difficilement viable sans une main-d'œuvre abondante et qualifiée, sans de multiples intrants et services motorisés, sans connaissances et capacités avancées en matière de gestion et de planification, et sans conditions favorables en matière de sol et de topographie. Dans l'univers des éleveurs amazoniens, de telles situations propices sont rares. Au contraire, les situations les plus défavorables sont les plus courantes, et le recourt aux techniques historiques de déforestation et d’usage du feu n’y est que plus tentant. Pour sortir de ce cycle, les solutions ne doivent pas être élitistes, mais inclusives.
Parallèlement à un travail pilote avec la Banque de l'Amazonie et la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) pour élaborer une ligne de financement adaptée à l'élevage durable, l'équipe de recherche qui réunit le ÌÇÐÄVlog, l'Embrapa, l'Université fédérale du Pará (UFPA) et l'Université rurale fédérale de l'Amazonie (UFRA) a développé des technologies d'intensification qui ne nécessitent pas de gros investissements ni de grandes connaissances et qui peuvent être appliquées dans des conditions précaires de logistique, de travail, de fertilité des sols, sans grands risques financiers. C'est par ce genre d’approche que l’on peut intéresser un plus grand nombre d’éleveurs, atteindre plus de surfaces dégradées, et finalement engager les éleveurs qui, jusqu’à présent, sont restés en marge de tout processus d’intensification.
Le feu est le premier ennemi de l'intensification de l’élevage, car il annihile les capacités et les efforts de l’éleveur, détruisant les installations rurales, la fertilité du sol et toute la végétation, fourragère et arborée. Les troupeaux ne trouvent plus à s’alimenter (photo 1) et les producteurs doivent encore, en plus des préjudices subis, fournir de gros efforts pour contenir la progression des flammes dans les forêts et les propriétés voisines (photo 2).
La rotation des pâturages est une technologie clé pour l'Amazonie. En divisant les prairies en de nombreuses parcelles, le producteur peut concentrer son troupeau dans l’une d'entre elles, et ainsi laisser les autres en "repos", sans être broutés jusqu'à ce qu'une masse foliaire suffisante soit reconstituée pour une nouvelle période de pâture (photo 3 et 4). Ces cycles de pâture et de repos consolident la vigueur des graminées fourragères, qui parviennent ainsi plus facilement à étouffer les plantes envahissantes, évitant une dégradation progressive du pâturage, qui serait combattue avec des herbicides. Le sol aussi se régénère, grâce à la protection permanente d’un tapis fourrager dense, et d'une couche de feuilles en décomposition, qui permet d’incorporer cette matière organique. Sa fertilité augmente proportionnellement à la quantité de carbone ainsi séquestré, et aux populations de microorganismes qui se développent dans cet environnement favorable. Mais le plus grand avantage du pâturage tournant est la qualité de l'alimentation du troupeau. Il est facile de faire entrer le bétail dans une parcelle au moment exact où le fourrage s’y trouve dans des conditions idéales de digestibilité, généralement après trois à quatre semaines de repos. Cela permet aux animaux d'absorber plus de fourrage et d'extraire le maximum de nutriments de chaque feuille, avec peu d'efforts digestifs (photo 5). Les performances zootechniques sont maximisées et l'état de santé des animaux est consolidé. Mais sans cette synchronisation, les feuilles deviennent rapidement fibreuses, difficiles à digérer, et le bétail ne se développe pas correctement. En plus d'extraire moins de nutriments, le rumen émet de plus grandes quantités de méthane, en raison de la décomposition plus importante de la cellulose. Grâce à cette technique simple de rotation des pâturages, les éleveurs peuvent faire un grand saut qualitatif et quantitatif, sur les aspects économiques et environnementaux.
Le collectif de chercheurs franco-brésiliens organisent des fermes de démonstration, où ils aident le producteur à concevoir et à mettre en œuvre la gestion tournante, pour ensuite en démontrer l'efficacité aux producteurs de la région, comme dans la communauté de Nova Jérusalem, où des familles bénéficiaires du programme de réforme agraire ont formé une coopérative et produisent un fromage typique de type Mussarela (photos 7 et 8).
Le principal coût pour la rotation des pâturages provient de la grande quantité de clôtures nécessaires. Les bois suffisamment durs pour former des piquets résistant aux intempéries sont très rares, et leur commerce très réglementé. Pour pallier cette difficulté, les chercheurs ont développé une technologie de tuteur vivant, dans laquelle des branches de Gliricidia sepium sont enfoncées dans le sol à la place des piquets, s’enracinent et forment un arbre (photo 6). En plus d'apporter un confort thermique (ombre portée) pour que le bétail puisse ruminer sans gaspiller d'énergie, Gliricidia sepium, qui appartient à la famille des légumineuses, participe activement à la restauration de la fertilité des sols et de la productivité des herbes fourragères, sans utiliser d'intrants synthétiques. Cette solution technique abordable produit des avantages économiques et environnementaux, en facilitant l'adoption de la technologie simple et efficace de la rotation des pâturages.
Sur les anciennes parcelles, le passage répété du feu et l'absence d’entretien du sol ont provoqué des niveaux avancés de dégradation, principalement dans les sols sableux. Dans ces situations, très fréquentes dans la région amazonienne, les graminées fourragères sont affaiblies et dominées par des espèces végétales envahissantes, bien adaptées à la faible fertilité. Elles finissent par former une couverture arbustive dense, totalement improductive. Les chercheurs ont développé, en collaboration avec les producteurs, des technologies simples et peu coûteuses pour restaurer des prairies productives dans ces zones sans découvrir le sol, ce qui entraînerait de grandes pertes de nutriments, dues à la violence des précipitations et au rayonnement solaire. Le défi consiste à minimiser l'utilisation de machines et d'intrants synthétiques, qui sont coûteux, rares et présentent des risques élevés pour les producteurs dont les revenus sont faibles, justement en raison de la dégradation des sols. Il s’agit de former un paillis avec ces arbustes, par broyage ou triturage sans toucher au sol. Cette couche de matière végétale morte protégera le sol jusqu'à ce que les touffes de graminées fourragères se régénèrent. Un tel paillis fournit également la matière organique nécessaire à la restructuration du sol, et augmentera la vigueur des plantes fourragères (photo 9). Ainsi, ni la pluie ni le soleil ne causeront d’érosion ou de pertes de nutriments. Cette technologie de restauration rapide et abordable pour la plupart des producteurs réduit fortement les coûts de la mécanisation et des intrants synthétiques, en plus d’accélérer la séquestration du carbone dans le sol.
Le projet TerrAmaz, avec le soutien financier de l'Agence française de développement (AFD), permettra la multiplication de ces technologies, la formation des producteurs, ainsi que la mesure des paramètres économiques, sociaux et environnementaux nécessaires au suivi de leurs impacts