Biodiversité : conservation, restauration et valorisation au cœur des ambitions du Cirad et de ses partenaires de l’océan indien

08/10/2020
La « biodiversité », un enjeu planétaire… « La biodiversité comme levier de développement et de résilience », l’un des six champs thématiques stratégiques identifié par le Cirad, sur lequel il entend au cours des six prochaines années investir significativement avec ses partenaires… Quelles sont ses ambitions dans la région du sud-ouest de l’océan Indien ?
Masoala - Madagasacar
Masoala - Madagasacar

© Cirad, Hélène

Sur la période 2019 – 2023, le Cirad a défini six champs thématiques stratégiques dont "la biodiversité comme levier de développement et de résilience ». Plus particulièrement il s’engage, d’une part à « caractériser, conserver et gérer la biodiversité cultivée à l’échelle des génomes, des populations d’espèces végétales, animales et microbiennes, des agroécosystèmes, des paysages et des territoires en favorisant l’action collective et leur gestion en bien commun » et, d’autre part à « mobiliser la biodiversité de la parcelle au paysage pour la production animale et végétale de demain et le développement de systèmes de production résilients et durables ».

Les équipes du Cirad concernées, travaillant dans la zone océan Indien, ont réfléchi collectivement à ces questions avec leurs partenaires. Ces réflexions, donnant lieu à une quinzaine de concept-notes identifiant les enjeux et des actions à conduire, devraient permettre au Cirad et à ses partenaires d’orienter leur programmation scientifique dans la zone et leurs servir d’éléments de dialogue dans la co-construction de projets à venir notamment avec les organismes de financement de la recherche et du développement investis sur ces sujets.

Quels sont ces enjeux dans la région océan Indien ?

Comme de nombreuses régions du monde, la région de l'océan Indien est confrontée à d'énormes défis démographiques, socio-économiques, environnementaux, climatiques et sanitaires qui s’expriment différemment en fonction des pays dont le niveau de développement est très contrasté. En raison de leurs isolements géographiques, Madagascar et les îles du Sud-Ouest de l’océan Indien possèdent une biodiversité endémique unique au monde mais elles sont vulnérables aux changements globaux. Par conséquent, les défis de conservation, de valorisation, de protection, de restauration et de gestion de la biodiversité doivent être collectivement relevés.

Plus précisément, ces défis sont, en matière de conservation et de valorisation de la biodiversité des systèmes cultivés:

  • Face à l’uniformisation des systèmes agricoles, sauvegarder et valoriser la biodiversité cultivée de la région, véritable patrimoine agricole ;
  • Face à une extension accrue des surfaces agricoles dans la région, penser des systèmes de production agricoles ou forestiers durables pour une conservation et/ou une restauration optimales de la biodiversité, une optimisation des services écosystémiques rendus et l’assurance d’une sécurité alimentaire ;
  • S’appuyer à ces fins sur des plateformes et des outils numériques innovants.

En matière de protection et de restauration de la biodiversité :

  • Développer une stratégie et des modalités de veille et de lutte biologique notamment contre les espèces envahissantes exotiques ;
  • Se donner les moyens d’une restauration écologique réussie à travers la valorisation d’espèces végétales indigènes, endémiques et exotiques.

En matière de biodiversité et de santé :

  • A travers une approche holistique « One Health / une seule santé », analyser les relations entre biodiversité et santé.

En matière de gestion innovante de la biodiversité :

  • Repenser la gouvernance de la biodiversité et plus largement des ressources naturelles par des approches participatives et inclusives ;
  • A travers une approche par les Communs, concevoir des modes de gestion intégrée et de valorisation durable de la biodiversité dans les paysages agroforestiers.

Quelles sont les actions à conduire ?

Promouvoir une agriculture qui favorise et valorise la biodiversité et les services rendus

Mieux connaître, promouvoir et valoriser la biodiversité cultivée mais aussi la biodiversité dite associée dans les systèmes agro-sylvo-pastoraux afin d'intensifier les productions agricoles de façon raisonnée tout en fournissant des services écosystémiques est aujourd’hui plus que nécessaire.

Les principales questions identifiées sont:

  • A travers une stratégie et une approche régionale commune et standardisée, caractériser la biodiversité agricole régionale (résultat de la domestication de plantes endémiques par des générations d’agriculteurs ou de multiples introductions d’espèces cultivées en provenance de tous les continents), la préserver et la valoriser afin de fournir des aliments diversifiés et de haute qualité à la population ;
  • Concevoir et développer des systèmes de productions et de transformation agricoles et forestiers durables qui participent à la conservation in situ de la biodiversité et la valorisent à travers notamment une analyse des interactions positives et négatives de la biodiversité dans ces systèmes et une analyse des services rendus ;
  • Favoriser la biodiversité et soutenir sa conservation dans les systèmes agroforestiers et les paysages ruraux à l'extérieur ou à la périphérie des aires protégées en concevant et en mettant en œuvre des méthodes participatives innovantes, basées sur une approche par les Communs, qui valorise notamment les usages, les connaissances et les modes de gestion locaux ;
  • S’appuyer sur des outils et des plateformes numériques qui permettent la reconnaissance, concentrent la connaissance et la partagent.

Élargir les options efficaces de restauration écologique des systèmes dégradés

La restauration des écosystèmes naturels est un processus complexe ; les milieux dégradés sont devenus impropres aux espèces autochtones, la complexité des processus écologiques rend la régénération naturelle difficile à reproduire, les facteurs extérieurs (tel que les feux, les invasions par des espèces exotiques envahissantes) empêchent les dynamiques de recolonisation sur le long terme.

Il s’agit de :

  • Mieux connaitre la dynamique des espèces exotiques envahissantes (qu’elles soient animales ou végétales), leurs impacts actuel et potentiel sur la biodiversité et développer des moyens de prévention et de contrôle qui reposent sur une démarche agro-écologique et des solutions puisées dans la biodiversité naturelle;
  • Favoriser la restauration écologique des paysages dont les causes de dégradation peuvent être multiples (prolifération de plantes exotiques envahissantes, défriches de milieux naturel, cultures sur brulis, utilisation de plantes indigènes en bois de feu, érosion des sols après incendie, érosion de zones littorales, urbanisation) en participant notamment à l’amélioration des connaissances sur les stratégies d’installation, les modes de reproduction et de multiplication des espèces végétales indigènes ou endémiques, aux niveaux local et régional. 
  • Associer les parties prenantes (agriculteurs, administrations, opérateur économiques, …) dans la conception et la mise en œuvre des processus de restaurations de façon participative et inclusive.

Comprendre et mieux gérer les relations entre biodiversité et santé à travers une approche intégrée

Face à la crise sanitaire mondiale actuelle et à celles à venir, réaliser à travers une approche holistique (une seule santé), l’analyse des relations entre biodiversité et santé et plus particulièrement, des causes de contacts de plus en plus fréquents entre l’homme, le bétail et les animaux sauvages, porteurs et vecteurs de maladies et de ses déterminants.

Les principales questions identifiées portent dans ce cas sur:

  • Le rôle que joue la perte des habitats et de la biodiversité associée sur l’émergence de nouvelles maladies infectieuses ;
  • L’importance d’une approche participative des acteurs dans le cadre d’une approche intégrée de la santé pour mieux prévenir l’émergence de nouvelles maladies ou autres bioagresseurs et faciliter la riposte.
  • Une analyse fine et intégrée des facteurs d’émergence des zoonoses ou des bioagresseurs en santé végétale (augmentation des déplacements des personnes, des biens et des services, favoriser une production agricole agroécologique, réduire les activités susceptibles de favoriser le dérèglement climatique…).

Réfléchir la gouvernance de demain de la biodiversité

Malgré un abondant corpus législatif, le système de gestion des ressources naturelles, et notamment des écosystèmes à forte biodiversité, reste un élément critique dans certains pays de la région OI (Madagascar, Comores, Afrique Australe). Les DROM et notamment La Réunion et Mayotte bénéficient du corpus européen dont pourrait s’inspirer les pays voisins.  Un bilan des approches de gestions décentralisées et des propositions alternatives de gestion de la biodiversité (milieux naturels et cultivés) doivent être expérimentés dans différents contextes.

Précisément, il s’agit de :

  • Comprendre par une approche systémique les modes de gestion décentralisée des forêts au niveau régional et explorer par une expérimentation libre d’autres formes de décentralisation de la gestion forestière : familles, églises, hameau, commune, … ;
  • Accompagner la mise en place de modes d’organisation et de participation des acteurs pour la gestion de la biodiversité, basées sur une approche par les Communs ; accompagner les acteurs locaux dans une prise de conscience de leur dépendance à la biodiversité et dans l’expérimentation de pratiques de gestion favorisant à la fois conservation et amélioration de leurs conditions de vie.
  • Consolider et favoriser l’émergence de réseaux régionaux d’acteurs sur ces sujets ;
  • Explorer les conditions d’une valorisation de la biodiversité au bénéfice des populations et des territoires.