Conservation des forêts : des stratégies spécifiques pour les îles?

10/10/2024
Philippe Birnbaum, chercheur de l’unité AMAP au Cirad a récemment tenu une conférence sur le thème de la conservation des forêts à l’Université d’Antananarivo. Ayant réalisé des recherches sur les communautés d’arbres en Nouvelle Calédonie, qui ont abouti à des recommandations sur des stratégies de conservation, le chercheur a partagé les réflexions issues de ses études avec des étudiants et enseignants dans le domaine de la foresterie. Par son insularité et le fort taux d’endémisme de sa flore, Madagascar présente des caractéristiques proches de la Nouvelle Calédonie. Les stratégies de conservation peuvent donc s'appuyer sur des principes similaires pour les deux îles. Suite aux études réalisées en Nouvelle Calédonie, la réduction de la fragmentation des forêts et la reconsidération des plantes dites invasives constituent les principales pistes.
Implication des communautés locales dans la gestion de la forêt © J. Queste, Cirad
Implication des communautés locales dans la gestion de la forêt © J. Queste, Cirad

Implication des communautés locales dans la gestion de la forêt © J. Queste, Cirad

Dans une conférence intitulée « étudier les communautés d’arbres pour la conservation de la forêt », qui s'est tenue à l'Université d'Antananarivo, Philippe Birnbaum, chercheur au Cirad a montré les résultats d’études réalisées en Nouvelle Calédonie, une île qui présente des caractéristiques proches de celles de Madagascar, notamment la diversité des milieux naturels et la grande richesse de la flore locale.

Conférence de Philippe Birnbaum à l'Université d'Antananarivo © M. Rananja, Cirad

L'étude consistait à comprendre l'organisation des communautés d'arbres en lien avec les propriétés de l'environnement afin de proposer des stratégies de conservation qui permettent à la fois de protéger les forêts et les espèces qui y vivent. En considérant la grande diversité et le fort taux d’endémisme des plantes en Nouvelle Calédonie, comme à Madagascar, les stratégies de conservation ne peuvent pas être calquées sur les pratiques répandues dans les forêts tropicales continentales comme en Amazonie. Une étude tenant compte des spécificités locales est indispensable. Près de 75% des plantes sont endémiques en Nouvelle Calédonie contre 85% à Madagascar. Les deux îles présentent des reliefs et un climat très variés et donc des conditions d’environnement très contrastées sur une superficie assez faible. Les études scientifiques tentent de comprendre comment les différentes espèces de plantes sont parvenues à coloniser ces îles et comment les humains peuvent restaurer cette richesse avec des modèles de conservation qui s’appuient sur des résultats scientifiques. Ces derniers seront proposés aux politiques et aux gestionnaires des environnements pour une application au niveau local.

Les échanges au cours de la conférence ont montré que la problématique que j’ai rencontré en Nouvelle Calédonie se reproduit aussi à Madagascar. On peut s’appuyer sur ce qui a déjà été publié pour avoir une avancée significative dans les études. Ce qui est très important c’est que les écologistes doivent maintenant prendre en considération la singularité de la biodiversité insulaire.

Philippe Birnbaum
Chercheur, UMR AMAP, Cirad

Quelles stratégies de conservation des forêts pour les îles ?

Face à l’urgence des effets de la déforestation, les résultats scientifiques préconisent de centrer les stratégies dur la réduction de la fragmentation. La division d’une grande forêt en plusieurs morceaux de petites forêts augmente significativement leur risque de disparition. La somme des morceaux de forêts isolés, ne représente pas une grande forêt, même à une superficie égale. Il y a peu de contact entre les morceaux de forêt, les animaux ne les voient plus comme des zones de refuge et de ce fait n’emmènent plus les graines qui réduit les échanges et les dynamiques globales. En Nouvelle Calédonie, les petits fragments de forêt ont une plus forte probabilité de disparaitre du fait de leur fragilité. 
Par ailleurs, le Dr Philippe a précisé la nécessité de reconnaître l’importance des espèces généralement appelées « invasives » dans la conservation des forêts. En effet, ces plantes jouent parfois un rôle de facilitateur dans la reconstruction des forêts, dans les environnements où elles se développent, généralement sur des espaces perturbés par les activités anthropiques. Elles font parties intégrantes de l’écosystème et contribuent au développement des autres espèces. Les conceptions primaires concevant ces espèces dites invasives comme des menaces pour les espèces endémiques risquent de freiner le processus de reconstruction naturelle générée par la diversité des espèces. 
Enfin, la conférence a mis en avant une logique de reconstruction des forêts partant de la quête de l’agrandissement de la superficie au lieu de l’agrandissement de sa richesse. La première favorisant naturellement le second.