Les acacias menacent la flore sud-africaine, en particulier le fynbos, une formation végétale unique au monde et caractéristique du sud du pays.
Les cartes prédisent l’évolution des impacts des acacias australiens jusqu’en 2100, en fonction de plusieurs scénarios climatiques du GIEC.
L’impact de ces arbres sur la faune locale devraient diminuer sur la moitié du pays, mais augmenter dans certaines zones. Ces zones seront donc à prioriser par les autorités publiques.
Jusqu’à très récemment, la distribution d’une espèce exotique envahissante était l’indicateur principal pour déterminer les risques sur la biodiversité. Mais la présence seule d’une espèce invasive n’est pas forcément risquée pour la faune ou la flore locale. Océane Boulesnane-Guengant est doctorante au Cirad et spécialiste des invasions biologiques : « Depuis 2020, on dispose du standard EICAT, qui vient préciser les impacts de espèces exotiques envahissantes. Ce standard nous permet d’évaluer beaucoup plus précisément le danger pour les écosystèmes ».
Les différences entre présence et impact des espèces exotiques envahissantes sont bien documentées au niveau scientifique. Cependant, considérer l’impact dans le temps, par des cartes de prédiction, reste très rare. Dans une étude novatrice, co-signée par Océane Boulesnane-Guengant, des scientifiques ont pu établir des cartes de risque des impacts pour les acacias australiens en fonction des changements climatiques attendus en Afrique du Sud d’ici 2100.
Carte de distribution des acacias en Afrique du Sud, face à une carte d’impact. Certaines zones sont à fort impact malgré une faible présence des acacias, et inversement. Source : Boulesnane-Guengant, O. et al. 2025
Cartographier les évolutions de risque
Plusieurs scénarios climatiques ont été pris en compte : optimiste, avec une faible augmentation de la température, et pessimiste, avec une forte augmentation. En fonction de l’évolution des conditions climatiques, les scientifiques ont pu établir des cartes prédictives de présence ou d’absence des acacias d’ici 2100. Océane Boulesnane-Guengant précise : « sur ce premier niveau d’informations, nous avons ajouté d’autres indicateurs, comme le niveau d’impact ou encore les mécanismes d’impact, tel que la compétition pour les ressources en fonction des espèces native déjà présentes ».
Les résultats obtenus montrent que l’impact des acacias australiens devrait en effet évoluer en Afrique du Sud avec le changement climatique. Sur 51,4 % de la surface du pays, les risques sont attendus à la baisse d’ici la fin du siècle. En revanche, ils devraient augmenter ailleurs, sur des zones équivalentes à 26 % de la surface du pays.
Carte de risque des aires protégées de la province du Cap, en Afrique du Sud. En bleu, les zones où l’impact des acacias australiens sur la biodiversité devrait baisser d’ici 2100. En orange, les zones où l’impact devrait augmenter. Source : Kumschick, S., Journiac, L., Boulesnane-Genguant, O. et al. 2025
Sur un scénario pessimiste (augmentation de la température supérieure à 5°C), la propagation des arbres sera très rapide, et avec des impacts énormes sur la flore locale.
Prioriser les zones les plus impactées permet de mieux allouer les ressources humaines et financières. C’est donc crucial pour les gestionnaires des aires protégées, qui ont des moyens limités. La scientifique espère que la méthode testée pour l’acacia australien en Afrique du Sud devienne peu à peu la norme : « le changement climatique vient apporter encore plus d’incertitudes dans la lutte face aux invasions biologiques. Le standard EICAT est une belle avancée, et il faut pouvoir l’intégrer dans nos prévisions ».
La lutte contre les espèces invasives à La Réunion
Océane Boulesnane-Guengant travaille également sur les invasions végétales à La Réunion. L’enjeu sur l’île est particulièrement pressant : avec 129 espèces exotiques envahissantes recensées, c’est l’un des dix territoires les plus envahis au monde. Pour l’instant, la scientifique se concentre sur la construction de cartes de risque en fonction de l’impact, sans intégrer l’évolution du climat. Les cartes servent d’outils d’aide à la décision pour les gestionnaires du Parc naturel, qui s’en servent pour prioriser leurs actions en fonction des zones jugées les plus à risque. Ces travaux entrent dans le cadre du projet ReMiNat (Restauration des Milieux Naturels), géré en partenariat entre l’Université de la Réunion, le Parc national et le Cirad.
Depuis peu, les gestionnaires d’espaces naturels à La Réunion disposent d’un protocole commun pour évaluer le degré d’invasion d’un écosystème par des espèces exotiques. Cette nouvelle méthode, adaptable à plusieurs types de végétation, débouche sur un diagnostic précis et rapide. L’outil vise à améliorer la coordination de la lutte contre les espèces exotiques envahissantes sur l’île, une urgence pour ce territoire qui compte parmi les plus envahis au monde.
Références
Kumschick, S., Journiac, L., Boulesnane-Genguant, O. et al. 2025. . Biol Invasions 27, 43.